A cause de l'Espérance
"Le pianiste parti, il n'y a pas un seul piano au monde qui se souvienne
du récital donné."
Il m'a dit ça hier soir en me caressant
pensivement, un sourire douloureux aux lèvres.
Puis tout en saluant
une dernière fois, il a disparu, définitivement.
Il avait, je l'ai vu,
deux larmes au bord de son sourire...
Il s'est trompé.
Parce
que je me souviens de tout
De tout.
Bien sûr, j'ai perdu Ses
mains
Les mains de Lui
Le pianiste
Ses mains qui m'ont tant de
fois éveillé à la lumière.
Mais la lumière ne m'a pas quitté, elle
dort dans le plus intime de moi-même
Je me souviens de tout...
Ses
mains qui couvaient l'étincelle, puis comme deux silex qui l'on frotte,
créaient le miracle attendu.
Non, inattendu car neuf à chaque fois.
Miracle
que l'on savoure les yeux fermés, dans l'état d'abandon propice à
l'amour.
L'étincelle. Puis la flamme. Puis le feu. Puis la lumière
chaude, celle qui naît du désir et retourne au désir.
Où sont ses
mains?
De ses notes éclatées, ne restent que le vide, le silence,
les creux
Et la peur des creux, pourtant habités de tant de
souvenirs.
Les notes ont expiré dans le silence, sont tombées à terre
lamentablement, ont été balayées...
La poubelle. Les notes sont dans la poubelle. Comme des déchets inutiles quand s'élèvent les cris de haine...
Je
garde farouchement le souvenir de ces notes défuntes.
Au lumineux
de ma coque de bois précieux.
Un jour, d'autres mains les
ramasseront et dans leurs paumes veloutées de respect, leur rendront la
vie
en les déposant sur mes touches encore muettes.
Et dans
mes creux et dans mes vides, je me souviendrai..
A cause de
l'Espérance...
La lumière sortira de son sommeil, s'étirera, jaillira
de mes entrailles et le concerto surgira plus puissant que jamais.
Les guerres stupides n'auront jamais raison de la musique. Jamais.
Ceci est texte écrit dans le cadre
d'un forum
d'écriture, auquel je participe parfois (très peu, manque de temps,
surtout pour lire et commenter les autres, et de ce fait, je me donne
rarement le droit d'y écrire moi-même...)
Ce texte-ci, je l'aime bien, ben oui, je le dis comme c'est!
Je me suis laissée conduire par la photo de la consigne, qui a provoqué comme un choc en moi, j'ai écouté ce qu'elle m'éveillait comme souvenir, comme ressenti... les mots se sont mis en place. Je les ai écrits sur une feuille, tout en continuant à m'imprégner de la photo qui me fascinait...
Comme toujours, je n'étais pas vraiment contente du premier jet, qui me semblait maladroit ou un peu "poésie nunuche". Comme toujours, j'ai laissé reposer un jour ou deux, puis je me suis décidée à miettre à l'ordi et à retranscrire mon brouillon. Et là, comme souvent un genre de petit miracle s'opère: tout en tapant les mots je prends de la distance avec ce brouillon, et mes mains au PC s'envolent et écrivent quasi malgré moi les mots qui, une fois relus finissent par me correspondre et par me plaire.
Je m'y retrouve, il y a une part de moi là dedans...
Et même si ce texte semble parler de tout autre chose que de moi, je me retrouve dans le texte final. Et je vis alors comme un petit moment de grâce.
Sais pas si ça vous intéresse de connaître la genèse d'un petit texte, comme ça, je fais le pari que oui. Et puis moi, ça m'amuse d'expliquer comment mon imaginaire fonctionne
Il fallait partir d'une phrase de Stephen King
(qui est donc la première de mon texte)
Et s'inspirer de cette
photo, prise sur le site de l'Arsenal de Metz