Trois secondes d'attente
Ma fille E. suit des cours dans une académie de théâtre
Elle termine sa troisième et dernière année.
Le premier trimestre était consacré au mime... E. est très forte dans ce domaine, elle a d'ailleurs plus d'une fois fait l'automate lors de fêtes de mariage, avec grand succès (ah! cette capacité de garder son sérieux et une immobilité absolue...)
Durant ce dernier trimestre, qui voit sa formation s'achever, les élèves se sont plongés dans le mélodrame.
Tous les sujets les plus douloureux de la vie sont donc abordés et "joués".
Mais ce qui caractérise le mélodrame, c'est que tout est en quelque sorte exagéré, pour que ce soit "mélodramatique" justement
Ce qui conduit parfois paradoxalement à quelques séances de fou rires;-))
Elle m'expliquait comment on peut s'y prendre pour mélodramatiser des scènes de la vie quotidienne, qui en soi n'ont rien de dramatique: et j'ai écouté ses explications avec grand intérêt
Voici:
Dans n'importe quelle conversation ordinaire, attendre à chaque fois TROIS secondes avant de répondre à l'autre et tester, voir ce que cela donne
Exemple:
- Tu as passé une bonne journée?
(trois secondes d'attente, puis...) - oui très bonne...je n'ai pas été au cours
(trois secondes...puis) Ah! bon! Et t'as fait quoi?
(trois secondes puis...) je suis allée à la librairie, mais je n'ai pas trouvé ce que je voulais
(trois secondes...et c'est long trois secondes quand il semble normal de répondre immédiatement...) et tu voulais quoi?
(trois secondes...) ben le dernier livre de Philippe Claudel
(trois secondes) oui! il paraît qu'il est formidable... c'est quoi encore le titre?
(trois secondes) le rapport de Brodeck...j'adore cet auteur
etc. etc.
testez... immanquablement, la voix part dans les graves, le ton se fait "sérieux" même pour répondre de manière anodine à des questions anodines....et cela devient facile de prendre un ton presque tragique, sans que cela ne sonne artificiel...
Quand on a vraiment quelque chose de lourd sur la patate et que quelqu'un nous interroge...remarquez qu'on ne répond pas tout de suite, on prend un peu de temps, ou même on ne répond pas du tout... on est plongé dans ses pensées. Si on répond, notre voix est grave
C'est quand on est joyeux que la réplique est rapide et exubérante...
Attendre chaque fois trois secondes pour répondre...et bien ce n'est pas si facile...
C'est très curieux comme expérience... essayez et dites moi...