Ce n'est pas la vérité!
Je suis retournée voir Copying Beethoven cet après midi.
Avec toujours autant d'émotion. Avec le coeur qui battait plus vite au rythme de cette musique puissante, avec tout mon corps blotti dans le bonheur, avec les yeux rivés sur la beauté des images en connexion absolue avec la musique, avec la faim de ne rater aucune des paroles dites par les personnages principaux, comme s'ils allaient me révéler une idée capitale pour moi, pour ma vie...
Puis une fois rentrée chez moi, j'ai été rechercher sur le Net tout ce qu'on dit, tout ce qu'on sait à propos de cette 9ème symphonie, et de la fugue dont il est tant question durant le film.
J'apprends que le personnage féminin de la copiste, tout en liberté, tout en légèreté, tout en soleil, est pure fiction... Anna Holtz n'a jamais existé!
Mon mari à qui j'apprends la chose est déçu et même choqué: ce film il l'a aimé comme moi, mais il rechigne fort à l'idée que la réalisatrice a complètement inventé le personnage qui aurait éclairé les trois dernières années de la vie du Maestro, que la genèse de sa dernière grande oeuvre racontée comme cela n'est qu'invention. La vérité historique est mise à mal...
"Quoi? elle a tout inventé" m'a-t-il dit sur un ton de reproche, comme si du coup il allait désavouer ce film merveilleux. Sa réaction m'a surprise, il m'a semblé comme blessé, comme s'il avait été roulé. Comme si on l'avait trompé...
Pour moi, habituée à écrire dans la fiction, à inventer ou à habiller d'improvisations imaginaires des "vérités" ou des faits réels , non seulement cela ne me gêne pas, mais je trouve au contraire fabuleux de pouvoir créer de la beauté, de l'authenticité de cette manière. Tant de vies de grands ou moins grands hommes ont fait l'objet (ou le sujet) de films ou de livres, dont la teneur tant esthétique que formelle est parfois bien différente si pas contradictoire selon le regard de l'artiste. Quand il s'agit d'Art, je n'en ai cure de la vérité, de la vérité objective et intrinsèque qui d'ailleurs serait bien en peine de défendre sa cause ... je sais qu'elle échappe à la réalité des faits, qu'elle est insaisissable, qu'elle se modèle et se pétrit dans le regard et les mains de l'artiste, que l'art est appelé à transformer, déformer même les choses pour bousculer nos regards empêtrés dans l'habitude du quotidien. C'est là sa vocation. Et décrire ou peindre minutieusement des faits "réels", c'est encore de l'art quand c'est fait par un artiste qui donne à voir son propre regard des choses. Fou ou raisonnable, illuminé ou grossier, sombre ou lumineux peu importe, l'Art lui échappe en quelque sorte, pour vivre de sa propre vie...
(à suivre peut-être, selon vos réactions)