Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Coumarine, Petites paroles inutiles
8 octobre 2005

Le morceau de ciel

Depuis tout un temps, des gens viennent chez moi chercher des trucs qu'ils n'y trouveront certainement pas. Pas besoin de spécifier. Je n'aime pas du tout ça... et ça m'énerve un peu

Alors j'ai décidé de leur faire un cadeau auquel ils ne s'attendent certainement pas: je leur offre ce conte que j'ai réécrit, qui les plongera dans une atmosphère de douceur et de rêve, et qu'ils pourront lire à leur enfants avant d'aller dormir.

Et vous aussi mes lecteurs adorés...piquez si le coeur vous en dit.

gior6303

Il était une fois, il y a très longtemps, dans un pays très lointain, un homme jeune et beau et vigoureux. C’était un pêcheur qui habitait seul dans une petite cabane de rien du tout au bord de la mer, là où les vagues viennent doucement s’arrêter.

Toutes les nuits, il partait dans son petit bateau pour aller pêcher. Et toutes les nuits il ramenait juste assez de poissons pour gagner sa vie : au retour de la pêche, il allait au village vendre pour deux ou trois piécettes ses quelques poissons emprisonnés dans son filet tant de fois réparé. Puis il rentrait chez lui harassé, mangeait un quignon de pain et du fromage, faisait un bout de toilette et s’endormait comme une masse jusqu’à l’heure de repartir affronter la mer.

Il vivait seul et solitaire, et se désespérait de rencontrer un jour celle qui accepterait de partager sa vie.

La nuit dans son petit bateau, il aimait regarder le ciel noir et profond et les étoiles qui scintillaient comme autant de perles précieuses. Il les comptait lentement, les unes après les autres, en se prenant à rêver que les yeux de sa bien-aimée scintilleraient de mille étoiles aussi brillantes que celles qui faisaient la joie de ses nuits si solitaires.

Un jour, ou plutôt une nuit, un orage éclata, terrible et menaçant. Les vagues en colère soulevaient le bateau, les nuages s’entrechoquaient dans un ciel en furie. Pas une seule étoile à regarder ce soir là, mais des éclairs qui fendaient le ciel de part en part dans un bruit assourdissant.

Soudain un éclair plus terrible encore, déchira le ciel de haut en bas et brisa un morceau de ciel qui tomba dans l’eau, là, juste à côté de la barque où il se tenait tout apeuré, tout tremblant, sans oser bouger. Il regardait émerveillé ce morceau de ciel qui brillait du feu de ses étoiles. Alors il tendit le bras et cueillit le morceau de ciel, avec les plus grandes précautions. Il le prit contre lui et rama de toutes ses forces vers le rivage, contre le vent, contre le temps.

Arrivé à la maison, il étala le morceau de ciel sur la table de sa cuisine, et admira longuement le velouté de son bleu profond, et les étoiles qui le piquetaient comme des petites perles précieuses et si brillantes. Puis il le prit délicatement et l’accrocha sur le mur de sa cabane, l’admira encore une fois et fut tout étonné d’y apercevoir un visage avec de noirs cheveux soyeux et des yeux remplis d’étoiles. Il y reconnut le visage de sa bien-aimée, celle qu’il attendait depuis si longtemps et qui lui souriait avec une tendresse infinie.

Cette nuit là, la pêche fut abondante, les filets craquaient sous le poids des poissons. Quand il arriva à la maison, poussant la porte de sa petite cabane, il s’arrêta, interdit : sur la table le couvert était dressé, une assiette, un verre, et puis il y avait du bon pain frais et du café brûlant. La maison riait de propreté, plus aucune toile d’araignée, tout était rangé à sa juste place.

Il regarda autour de lui, étonné : rien, il n’y avait personne, juste le visage qui souriait dans le morceau de ciel qu’il avait accroché comme un tissage sur le mur là, devant lui.

La nuit suivante à nouveau, la pêche fut abondante.

En revenant vers sa pauvre cabane, il vit que de la cheminée s’échappait de joyeux nuages de fumée, et déjà il sentait la bonne odeur du pain cuit. Il s’approcha doucement, entrouvrit la porte plus doucement encore, et c’est alors qu’il la vit : une femme balayait le sol de la maison, et elle chantait, et elle souriait, et ses cheveux étaient couleur de nuit noire, et dans ses yeux brillaient toutes les étoiles du monde.

Il s’approcha tout intimidé de la table où le couvert était mis, et l’invita à s’asseoir en face d’elle. Et tout en mangeant, il la dévorait du regard, et tout en mangeant il lui disait : ma douce, ma tendre, je t’en prie, reste avec moi, reste à partager ma vie…

Non, je ne peux pas, disait-elle chaque fois avec un petit sourire triste

Mais pourquoi ? mais pourquoi ?

Je ne peux pas, car je ne suis qu’une image, celle du beau tissage que tu as accroché là sur le mur de la cabane.

Alors une idée lui traversa l’esprit : il se leva, s’approcha du mur, empoigna le morceau de ciel et l’enfouit dans le grand coffre en bois, le ferma à clef, et mit la clé à la petite chaînette qu’il portait toujours autour de son cou.

Et la femme resta avec lui, et elle fut sa bien-aimée, et il fut son bien-aimé, et il firent tant de fois la fête avec leurs corps d’homme et de femme mais chuuuuuuut, ça c’est leur secret et ils m’ont fait jurer de ne pas en parler.

Deux enfants naquirent de leur union, un garçon, puis une fille, et ils étaient beaux, intelligents et bons…Et ils jouaient beaucoup sur la plage, s’efforçant de rattraper le vent et l’écume des vagues, et ils faisaient de jolis colliers avec les coquillages et les rêves de leur enfance heureuse.

Beaucoup de temps passa…

Un jour, le pécheur regarda ses mains et vit qu’elles étaient ridées et nouées. Il se regarda attentivement dans le miroir de l’eau et vit que sa barbe était devenue aussi blanche que la neige, ainsi que ses sourcils, et sa peau bronzée ressemblait à un vieux parchemin. Alors il se sut qu’il vieillissait.

Mais sa bien-aimée restait aussi jeune et belle qu’au premier jour. Ils s'étonna, et lui en demanda la raison

Et elle lui répondit qu’elle était la part en lui qui resterait toujours jeune.

Il ne comprit pas vraiment ses paroles mais il pressentait que c’était un cadeau précieux que sa bien-aimée lui donnait.

Beaucoup de temps passa encore, et les enfants quittèrent la maison pour vivre leur vie ailleurs.

Et un jour, le vieux pécheur mourut.

La femme l’étendit sur leur lit drapé de blanc, et l’embrassa longuement plusieurs fois, et lui dit tous les mots d’amour qu’elle avait encore en elle pour lui.

Puis, elle détacha la petite clé du cou de son bien aimé, ouvrit le coffre, et prit le tissu…et s’étendit tout à côté de son homme qui semblait dormir là, paisiblement.

Et quand les enfants, mus par un pressentiment que personne ne peut expliquer, arrivèrent du lointain dans la petite cabane, ils trouvèrent le corps de leur père étendu sur le drap blanc et sur son corps immobile et qui semblait dormir, il y avait un tissage sur lequel se dessinait grandiose et lumineux, le portrait de leur mère chérie…

N.V.

(sur base d’un conte argentin)

Publicité
Commentaires
A
C'est beau.
I
je ferme les yeux et je t'écoute encore... J'aime ce morceau de ciel et j'en ai besoin particulièrement ce soir.
C
merci Stef de ton passage...
S
Merci pour cette belle histoire.<br /> Bonne soirée
C
faut pas petit piment, faut pas...
Coumarine, Petites paroles inutiles
Publicité
Archives
Publicité