Il suffirait de peu
Je le vois
L'homme là en face, juste à hauteur de ma fenêtre.
Il est assis à califourchon sur le toit, il fait une réparation, enfin je ne sais pas trop...
Je le regarde, fascinée: il avance, assis sur le toit, les jambes d'un côté, puis d'un seul coup, lancement des jambes de l'autre côté et hop! Il avance au gré des saccades et des petits sauts qu'il fait faire à son corps.
J'assiste fascinée à sa danse improvisée de funambule. Que nul ne regarde, il se croit seul, d'ailleurs il l'est. Il ne sait pas que j'ai les yeux rivés sur lui, et en moi l'admiration et l'appréhension se mélangent...
Il suffirait de peu.
Un faux mouvement. Un vent violent qui se lève, une grosse pluie, ça arrive, et parfois sans prévenir
Il suffirait d'un faux mouvement, qu'il rate le coup des jambes d'un côté, puis de l'autre.
J'imagine la chose: il glisserait jusqu'à la gouttière, puis... puis... par terre, là tout en bas... puis... plus rien, le silence. Et il y aurait pour lui un avant. Et un après.
Comme dans les pub de lessive: avant, après, voyez la différence messieurs dames (surtout mesdames!), c'est-y pas beau ça?
Il est un peu fou ce type, je ne vois aucune corde qui l'arrime, sans doute est-il confiant en sa bonne étoile
Ou alors confiant en son inconscience.
Il suffirait de vraiment peu. Ne le sait-il pas?
Je frémis... et mon coeur bat au rythme de ses sauts de danseur sur les toits dont il répare les ardoises...
A circuler librement de cette façon, comme personne ne le fait, à se trouver à hauteur des plus hautes branches des arbres, à regarder le ciel sans rien qui entrave le regard, à circuler sur les cimes, même si ce ne sont que celles d'un toit... quel genre de pensées peut-on avoir?
Je crois, des pensées d'oiseau libre...