Elle n'avait ja ja jamais voyagé, hohé hohé
Il y avait un problème : elle n’avait le mode d’emploi ni du voyage, ni de la liberté. On ne reste pas impunément tant d’années en jachère. Elle n’avait pas voyagé, sinon comme une touriste mouton, conduite sur commande dans quelques coins du monde et les hôtels pour vacanciers qui colmatent soigneusement les endroits et les gens authentiques.
Il y avait en elle cependant un chant qui lui martelait les oreilles et le cœur, qui résonnait fortement en elle au plus sombre de ses chagrins, au plus lumineux de ses extases. C’était le chant de son âme affamée, qui se jouait en ut majeur sur un air de Bach, de Vivaldi ou de Beethoven.
Il lui fallait chercher partout un indice pour découvrir le trésor dont personne ne parle en clair, qu’aucun mot savant ne peut enfermer dans un circuit objectif et raisonnable.
Il lui fallait tenter de SE rattraper, dès lors que son ombre s’enfuyait sans cesse bien au devant d’elle dans des chemins fermés, sans espoir d’horizons.
Elle savait bien que c’était là, sa quête primordiale et qu’elle ne s’assouvirait jamais. Au moins savait-elle qu'elle avait une ombre: devant ou derrière, quelle importance finalement...
Alors elle s’est mise à vagabonder l’âme en profond désir de clairvoyance...
Dans les livres d’abord, dans lesquels elle s’immerge corps et âme, à la rencontre affamée d’autres destins si différents et si semblables à la fois
Derrière l'ordinateur ensuite, brassant ses mots à elle et les confiant à tous les vents de passage. Bonheur et douleur en même temps.
Dans la musique, quand les notes lui ouvrent des portes inexplorées, battant le tempo d’un grand désir.
Dans la nature enfin qui lui permet de s’appuyer sur la joue des arbres, ses dieux personnels, de pleurer, de frémir, de vibrer en leur compagnie, de les étreindre doucement...
La femme intacte frissonne au profond d’elle-même, et ce frisson annonce une naissance nouvelle, la laissant incrédule de pouvoir ainsi se connecter avec le divin…
Peinture de Spilliaert