Je suis sa fille
Parfois, quand je vois marcher ou parler l'homme de moi, je vois ou
entends sa mère ou son père. Et la ressemblance physique me frappe
d'autant plus qu'il avance en âge.
Même démarche pressée, penchée en avant, même tics de langage, même façon bruyante de se moucher...
Son corps, il l'a bien reçu de ses père et mère, il n'est pas un ovni catapulté de nulle part..
Et ce corps a été irrémédiablement façonné par son éducation. Il est "passé entre leurs mains"
Quant à moi...
Dans des moments d'énervement, l'homme m'assène que je ressemble à ma mère...
Ma mère était une belle femme au visage fin, aux traits réguliers, comme sa mère à elle d'ailleurs...
Mais quand l'homme me dit ça, ce n'est pas pour me faire un compliment: il me lance ça à la figure, parce qu'il est fâché sur moi.
Et bien! Cela me blesse, plus ou moins fort selon que je suis dans un bon jour ou pas.. J'ai à ce point rejeté ma mère, je
l'ai à ce point jugée pour ses comportements envers les autres et la vie en général, envers ses enfants et moi en particulier, qu'il m'est très pénible d'entendre dire que je lui ressemble.
J'ai toujours été persuadée que je n'avais rien d'elle...rien de rien... que j'étais purement moi-même. Dans mon roman autobiographique, je raconte d'ailleurs que la petite fille que je fus, était persuadée d'avoir été adoptée, tellement elle se sentait différente, étrangère...
Dans mon bureau, il y a une peinture à laquelle je suis très
attachée (tiens donc et pourquoi? Faut reconnaître qu'elle est très abimée, et cela semble tellement en contradiction avec le contenu de ce billet ah lala!...). Elle représente une petite fille d'environ 5 ans. Ce n'est pas moi. C'est elle, ma mère....
Et la ressemblance avec moi enfant est étonnante, on pourrait croire que cette peinture me représente.
Je dois me rendre à l'évidence, je ressemble à ma mère. Certains
traits de son visage, certains aspects tant de son physique que de son
caractère, se sont inscrits en moi.
Si je refuse ça, je me nie moi, je me renie..
Malgré tout le chemin que j'ai parcouru, le chemin de réconciliation avec elle, ou
plutôt avec moi-même, telle que je suis devenue, et dont l'écriture de mon livre fut une étape capitale... accepter que je suis
la fille de mes parents, que je suis née de ce couple, que je ressemble
à ma mère (et à mon père aussi d'ailleurs) est encore difficile. Très.
Et quand l'homme sous le coup de la colère me dit que je ressemble à ma mère, j'encaisse le choc. Je suis meurtrie. Déstabilisée.
Cela me pose question. Si j'étais tout-à-fait "en ordre" avec ma mère, je ne souffrirais pas de cette remarque...je la prendrais pour ce qu'elle est:oui, c'est évident que j'ai des traits de ressemblance avec ma mère, puisque je suis sa fille...
(c'est drôle: écrire "elle est ma mère", est moins difficile qu'écrire "je suis sa fille"...)
photo de Coumarine