Une dame qui parle avec ses sourires
Lundi midi
Une rencontre qui m'a fort marquée.
Cela se passe dans un petit resto à Lyon, près de la place Bellecour.
Auparavant et après lecture de mon livre L'enfant à l'endroit, l'enfant à l'envers, Matinou m'avait contactée pour me parler d'Agnès
D'Agnès et de son projet d'écriture de sa vie, un projet pas banal assurément.
Car Agnès est une personne qui souffre d'un handicap moteur cérébral important. Accident de naissance, la faute à pas de chance...
Agnès ne parle pas, ne marche pas, n'écrit pas, ne lit pas...
Mais elle parle énormément avec les expressions de son visage.
Elle écoute de tous ses yeux.
Elle manifeste ce qu'elle désire communiquer avec des sourires incroyablement expressifs...
Elle cherche que "répondre" en plissant les yeux, guettant sur le visage de l'autre la petite preuve qu'elle a été comprise.
Agnès est très handicapée, et pourtant Agnès est belle. Bien sûr pas comme sur les magazines de mode papier glacé et tout ça...
Photo Coumarine
Donc depuis deux ans, Agnès et P. son assistance de vie se sont attelées à cette tache inimaginable d'écrire qui elle est: elle, Agnès, pas handicapée de la tête comme on pourrait le croire en la regardant d'un regard superficiel, Agnès qui souffre, qui aime, qui rit, qui est heureuse ou triste, Agnès qui pense, qui réfléchit...
Revenons à Matinou
Donc Matinou m'a contactée il y a un mois environ pour me demander si j'acceptais de lire ces pages de vie d'Agnès. J'avais répondu oui, séduite par le projet dont elle m'avait parlé.
Dimanche Matinou m'a rencontrée au Salon à Grigny, on a fait connaissance, on s'est parlé, elle m'a donné les feuillets, une vingtaine environ.
Je savais que j'allais rencontrer Agnès et P. le lundi midi, et le dimanche soir, j'ai lu ces pages, avec une attention émue.
Le texte qui est né là, mot par mot, est un texte fort, dense, sensible, vrai.
Si je ne l'avais pas lu avant de rencontrer Agnès, je n'aurais vu en Agnès qu'une handicapée infirme moteur cérébral, muette, aux mouvements désorganisés
Je n'aurais pas imaginé que ce corps souffrant cachait une richesse intérieure profonde. J'aurais pris ses sourires pour des sourires mécaniques.
J'ai vu aussi l'attention incroyable de Matinou et de P. pour intégrer Agnès à notre conversation, en ne la laissant en dehors de rien, lui posant des questions, s'inquiétant de ses préférences, s'assurant de ses réponses...
J'ai vu de l'Amour incarné dans ces deux femmes, et je me suis sentie bien humble.
Elles se faisaient une fête de rencontrer une célèbre petite écrivaine. Et je me suis dit que la plus honorée de toutes, c'était moi, qui ai grandi en humanité d'avoir rencontré Agnès qui se bat jour après jour pour réaliser un projet qui la grandit (écrire son histoire de vie), d'avoir rencontré Matinou et P. si simples et si tendres dans leur attention à Agnès
Merci à vous trois...