Un papillon rouge (à moins que ce ne soit un coquelicot...)
Elle
s'est plantée tellement longtemps sur le terrain de ses silences, qu'elle a
pris racine, est devenue statue de pierre. L'attente a quelque chose de poignant
quand elle est attente stérile, ventre refusé, couplet inutile d'une chanson
périmée, petites paroles jetées dans le mépris du temps.
Alors
elle a regardé autour d'elle, a vu que ses silences pleuraient d'impuissance et
jetaient dans le vent des larmes frigorifiées. Et les larmes se sont incrustées
dans la pierre des chemins. Comme des gouttes d'absence.
Il
est une violence qui brise, il en est une autre qui force à se mettre debout.
Elle respire largement, au rythme de son ventre qui cherche à s'orienter vers
le soleil.
Heureusement
que ses mains sont chaudes et bonnes sur les corps qu'elle touche, la
toucheuse. Et les corps pétillent d’étincelles comme font les papillons au
magnétisme ensoleillé. Afin de réchauffer la petite déesse de la lune dont le
rire blanc troue l'obscurité de toutes les rues trop sombres.
Les
papillons rouges enflamment tous les désirs du monde, il faut le savoir, il
faut le croire... même si l’amour est toujours tissé de souffrance.
Or,
les
souliers cloutés l'ignorent bien évidemment, ils sont obtus et bêtes, marchent
sur les coquelicots et les bleuets et aussi au travers des blés dorés qui
rappellent au renard amoureux les cheveux de son petit prince. Les souliers
cloutés sont proprement incapables d'entendre crisser les minuscules miettes du
cristal d'amour qu’ils piétinent allègrement, comme des cons.
Mais elle s'en fout maintenant des souliers cloutés, elle rit de tout son cœur de les voir empalés sur des chimères. Les souliers cloutés font de drôles de tête, ils sont carrément coiffés au poteau..