Narcisse amoureux
L'enfant blond se trouve au bord du lac. Il s'est penché sur les eaux tranquilles et lisses.
Il se mire et s'admire. Il se regarde tendrement.
Il se penche davantage: ses yeux se font doux pour le tendre aveu.
Narcisse est amoureux pour la première fois.
Il tend la main vers son bien-aimé. Il veut l'enlacer, le serrer dans ses bras, goûter l'ivresse de la complétude. Il tend la main plus encore et soudain, l'image se déchire...
Le miroir d'eau s'est zébré d'une multitude d'éclairs miroitants.
Narcisse écarquille les yeux: ce qu'il voit dépasse son espérance. Là dans les eaux encore agitées, non pas un, mais dix bien-aimés tentent de lui parler, sollicitent son attention, réclament sa préférence. Il sont tous pareillement beaux, à la fois semblables et différents.
Il aime la lèvre charnue de l'un qui lui promet de longs baisers gourmands.
Il aime la folle chevelure d'un autre dans laquelle il fera bon passer ses doigts caressants.
Il aime le regard pressant de désir d'un troisième qui lui promet...ah! il ne sait pas encore, il a si peu d'expérience encore...
Et celui-là...et celui-là...
Narcisse va de l'un à l'autre. Narcisse les veut tous. Il tend impatiemment la main dans une quête éperdue.
Je vous aime, je vous aime tous!
Narcisse se penche encore et encore...
Il y a sur le lac bleu le corps d'un enfant blond qui flotte, désespérément solitaire, au gré des remous irisés.