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Coumarine, Petites paroles inutiles
28 janvier 2008

Une carte pour la nouvelle année

J'avais une amie
Une comme moi, à chaussettes blanches alors que les autres filles de la classe portaient déjà des bas qui leur faisaient des jambes soyeuses et fines.
Féminines.
Les nôtres de jambes, avec ces chaussettes blanches et les souliers à talon plat qui allaient avec, mettaient en valeur nos mollets de sportives
Pas très féminines.
Ainsi en avaient décidé les mères. Trop jeunes. Pas de bas. Amen.
Les petites filles modèles obéissaient. Pas moyen de faire autrement. Non! pas moyen. Trop long à expliquer.

J'avais une amie.
Un jour elle a viré d'humeur.
Elle si joyeuse, avec toujours le mot pour rire, la bouche en forme de sourire et des étincelles plein les yeux, s'est mise insidieusement à changer de visage. Sa bouche avala de travers tous les éclats de rires. Sa voix devint rauque pour me raconter les évènements tragiques qui se mirent à jalonner sa vie d'écolière, puis d'étudiante.
Des évènements tragiques, malgré les chaussettes blanches, ou peut-être justement à cause d'elles, va savoir!
Des histoires à pleurer dans des mouchoirs trempés durant des jours et des nuits.
Dans des mouchoirs en coton blanc, comme les chaussettes.
Que les mamans-on-ne-discute-pas-on-obéit-amen lavaient sans se rendre compte combien ils pesaient d'un énorme poids de larmes.

J'avais une amie
Un jour c'est arrivé.
Cette amie est morte
Non pas morte et enterrée, non!
Morte... c'est encore pire.
parce que... comment dire... elle avait beaucoup d'imagination.
C'est une qualité quand on veut devenir écrivain
mais ce n'était pas son cas, non! Ce n'était pas l'imagination fertile d'un futur écrivain.
Elle voulait juste qu'on s'inquiète d'elle, elle voulait qu'on la prenne au sérieux, qu'on s'intéresse à elle, qu'on l'écoute, qu'on la dorlote, qu'on la câline...
malgré ses chaussettes blanches, ou peut-être à cause d'elles, va savoir!
Elle était très douée. Mes mouchoirs alourdis de mes larmes pour mon amie si touchée par les malheurs, je les ai accumulés au fond de mes poches, au fond de mes tiroirs, en dessous de mon oreiller, au creux de ses révélations trop lourdes à porter.
Mais quand j'ai su que rien rien rien de tout cela n'était vrai...

Ce jour-là j'ai appris à me méfier de ceux que j'aime.

Mais je vais vous dire: encore aujourd'hui je regrette
Parce que ma colère d'avoir été trompée a été plus forte que mon souci pour cette amie que je découvrais si malade dans sa tête.

Je n'ai pas compris ça... comment l'aurais-je pu?

Meurtrie, révoltée, je l'ai abandonnée à ses mouchoirs remplis de larmes. Impitoyablement. Inexorablement.

Note: je ne culpabilise pas, je sais que à ce moment-là je n'avais pas les éléments pour réagir autrement, avec compassion, avec empathie.
Cette femme m'a écrit pour la nouvelle année. Après des décennies de silence. Je n'ai pas encore eu le courage de lui répondre. Je cherche en moi les justes mots pour le faire. Je les trouverai sans doute.

 

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Commentaires
D
Il est des souffrances qui m'éffraient. Je n'ai pas (encore ?) la force d'y faire face. Je garde mes distances ou m'écarte, aussi poliment que possible. Sans doute me renvoient-elles à mes propres gouffres (où à la peur d'en avoir d'insoupçonnés) que je ne suis pas "définitivement" certain d'avoir "apprivoisés"...<br /> Toujours peur de tomber... Et qu'il n'y ait pas de fond... Qu'il n'y ait pas de chute à la chute !<br /> Bref.<br /> Je t'embrasse, <br /> Bon week-end ma Reine
L
Pour moi la mythomanie c'est comme une addiction, une dépendance à une drogue... comment lutter ? comment rester à côté sans se perdre soi-même ? sans tourner en bourrique ? J'ai beaucoup de mal avec les mensonges et ceux qui les pratiquent.. je m'en éloigne très vite...<br /> Quant aux mots que tu cherches, je ne doute pas que tu les trouves, justes et précis... pour illustrer ce que tu veux dire à cette amie du passé...
C
de rien, Inès...
I
Je te remercie<br /> Bien à toi
I
Quel écrit, quel style, quel talent!<br /> Tes mots coulent de source, s'enchaînent et créent une musicalité irrésistible. Je suis conquise.<br /> Bien à toi
Coumarine, Petites paroles inutiles
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