3. Des mots rebelles
Trois mois plus tard, je participe ailleurs à un autre atelier. Un peu plus confiante, un peu moins angoissée. L’animateur cependant procède différemment. Je suis surprise. Une peu déstabilisée. Mais je décide de plonger sans savoir où cela va me mener exactement.
J’écris avec un stylo de calligraphie acheté exprès pour l’occasion. Ce stylo apprivoise mes mots (et mes peurs), les imprime avec gravité sur le papier docile. Mon stylo ne me quitte plus, il est devenu le prolongement de ma main, je l’aime, je ne peux plus me passer de lui. Il me raconte tant de choses, pour peu que je l’écoute…
Aujourd’hui, il fait toujours partie de ma vie, il se trouve là, devant mon écran, il reste mon compagnon quand je quitte la maison mais j’écris désormais à l’aide du clavier qui, il faut le reconnaître, fait nettement moins de ratures et se révèle plus rapide…
Durant ces deux jours d’écriture, pendant lesquelles je m’exerce à différentes façons d’écrire, tour à tour ludiques et graves, je retrouve ce même enchantement : j’écris, les mots s’excitent et s’entrechoquent, se bousculent, se caressent, chantent ou hurlent. Je suis là, interdite et j’assiste à une étrange naissance, qui m’enchante et m’effraie à la fois. Mes mots sont violents, rugueux, sombres, meurtriers. Ils déterrent des ombres, grognent des rages et des colères impitoyables, des larmes aussi, versées dans la quiétude verte de cette maison consacrée à l’écriture.. Ma plume ignore-t-elle donc que la femme qui la tient bien serrée dans sa main un peu crispée, un peu dépassée par les événements, est une femme sage, gentille, souriante, raisonnable, donnée aux autres, croyante et tout et tout ?
Ma plume l’ignore et n’en fait qu’à sa tête…
Et de nouveau l’écoute et l’intérêt palpable des autres participants. Certains s’aventurent aux compliments, rares quand on se trouve dans ce contexte ou chaque écrivant espère recevoir sa dose d’éloges.
Je n’y crois guère, pas encore, même si je sens bien que tout ça correspond à quelque chose de très important en moi et pour moi. Mais il est encore trop tôt pour y croire vraiment.
Il aura fallu une rencontre capitale…pour que je me mette à réaliser enfin que mes mots pouvaient toucher, émouvoir et bousculer d’hypothétiques lecteurs.