Une deux trois on bouge...
Quand j'étais enfant, le cours à l'école que je préférais était le cours de gymnastique.
C'était loin d'être le cas pour tout le monde, la plupart de mes compagnes de classe auraient fait n'importe quoi pour y échapper, elles avaient leurs règles à longueur de mois, mal à la tête, mal au ventre, mal au petit doigt de pied, un rhume terrible, un père mourant, un chat écrasé (non, là je dis n'importe quoi...)
Même la prof de gym n'était pas très motivée pour nous donner cours, d'ailleurs elle devait être réglée aussi la plupart du temps, ou trop âgée pour nous faire faire des trucs vraiment intéressants... et c'était toujours le cours qui tombait le premier quand il y avait une activité spéciale à programmer à l'école
Moi y a pas à dire j'aimais le cours de gym, je l'attendais avec une énorme impatience
Bien sûr pas vraiment les échauffements une deux trois, bras en l'air, jambes pliées, en cadence, et on se bouge un peu et plus que ça...
Non ce que j'aimais et attendais avec impatience, c'était la deuxième partie du cours, quand on sortait le plint...alors mon coeur bondissait: j'adorais exécuter les sauts, j'étais petite et légère, j'osais m'envoler, j'étais douée pour ça.. courir, battre des deux pieds devant l'obstacle, bondir, m'envoler...
Mais ce qui m'enivrait le plus, c'était quand la prof (une fois tous les six mois hélas) dressait les montants pour le saut en hauteur. Toutes les filles rouspétaient et moi je piaffais d'impatience...je sautais en ciseaux et j'étais passée championne de l'école. J'adorais prendre mon élan pour passer la corde victorieusement, je m'enivrais de ce défi du toujours plus haut, je voulais le réussir, j'y arrivais d'ailleurs avec pas mal de facilité.
Mon corps avait grand besoin de cette décharge physique, je m'y donnais à coeur joie, à corps enthousiaste. Je recevais là des bouffées de bien-être qui me faisaient croire au bonheur...
(J'ai aimé plus tard quand deux de mes filles ont fait de la gym olympique: elles ont choisi de le faire, et moi je me revoyais à leur âge et j'étais heureuse pour elles. Elles s'en sont données elles aussi à coeur joie, poussant bien plus loin que moi leur niveau de compétence...)
Je pensais à cela cette après midi quand, devant mon PC, la nuque et le dos me tiraillaient, que mon bras et mon épaule se rappelaient à mon (mauvais) souvenir...
La seule activité physique que je fais encore, c'est marcher, et encore, pas assez souvent, comme j'aimerais le faire. Ah oui! il y a aussi la danse...non pas la danse de salon, celle qu'on danse en couple, sur des pas programmés....mais la danse qui bouge, qui me fait sentir que j'ai un corps, qui me permet de reprendre contact avec lui, qui me permet de le réintégrer en quelque sorte...
Je réalise que c'est important pour moi...mes activités sont très (trop?) dans la tête, intéressantes certes, passionnantes même souvent...mais néanmoins confinées à l'intérieur de ma tête.
Il faut qu'une forte douleur survienne pour que je reconscientise que je ne suis pas qu'une tête et que de l'oublier me coupe d'une grande partie de mon énergie vitale.