Le jour J
Il est midi quinze. Je suis en route pour déjeuner avec une amie. J'arrive sur le ring (le périphérique) de Bruxelles.
Autant dire que je me suis jetée dans la gueule du loup. Les voitures sont agglutinées les unes contre les autres, en rangs serrés, complètement à l'arrêt, résignées. Le chaos total, l'imbroglio, l'enchevêtrement, la confusion, et m.....je dis en fulminant dans la voiture.
Rien ni personne ne bouge, on se croirait dans un film muet. Juste moi qui parle dans mon portable pour avertir ma copine de mon retard.
Soudain je vois ce que je n'avais pas encore remarqué, plongée que j'étais dans mes réflexions et mes préoccupations: là à quelques mètres de moi, une colonne de fumée noire, opaque, qui s'élève en jets de nausées et obscurcit le ciel au dessus de nous, un truc d'apocalypse, je vous jure...et avec ça une odeur de...je sais pas dire, une odeur de métal chauffé au rouge.
Je suis impressionnée, je me dis que, oui, il s'est passé quelque chose de grave, quoi je ne sais pas, mais je le saurai, je suis en plein dans la ligne de mire.
Soudain des hurlements de sirène déchirent le ciel. Ça vient de derrière, le bruit est strident, cogne dans mon coeur: quatre voitures de pompiers, deux voitures de police arrivent comme des obus, forcent le passage complètement obstrué. A gauche de moi, un camion à l'arrêt, je ne vois pas la tête du conducteur. A droite de moi, un camion tout aussi à l'arrêt, je ne vois pas la tête du conducteur. Devant moi une camionnette, derrière moi encore un camion. Au dessus de moi la colonne de fumée noire, et tout autour de moi les sirènes. Je suis dans une cage, je suis oppressée, je respire mal, je dois faire appel à toutes mes ressources pour rester calme...
Une demi heure plus tard, alors qu'on passe au compte gouttes sur une seule bande de circulation, j'ai le temps d'apercevoir le désastre: une camionnette et une voiture se sont embrassées à mort, se sont enflammées, et carbonisent encore sous nos yeux horrifiés. Deux petits tas de taule tordus, agonisants.
Par terre, en dessous de trois couvertures, on devine trois corps. Je crois que ce matin, aucun de ces trois ne savaient qu'ils se levaient aujourd'hui pour la dernière fois