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Coumarine, Petites paroles inutiles
16 février 2007

A fond la caisse

Juste un petit texte, écrit comme ça sur le coin de la table ce matin...pourquoi celui-là? pourquoi cette violence? je ne sais pas, faut pas me demander...

Il se tient là devant moi. Le regard insolent, sûr de lui, sûr de moi, de l'effet qu'il provoque en moi.

Il est beau. Il est grand. Il est fort. Je l'aime. Enfin je le crois si j'en juge par ce qui se bouleverse en moi et dans mon ventre quand il me regarde avec ses yeux qui se plissent. Pas des yeux d'amoureux, non, des yeux de prédateur. Des yeux qui m'anéantissent, me gomment, me réduisent à zéro, m'écrasent dans des sillons de boue où je me dissous.

Il se tient là devant moi, sûr de lui, sûr de moi. Il a mangé, il a bu quelques bières, il rote. Et soudain se déclenche sa danse de prédateur. Un pas, puis deux vers moi, vers la petite salope comme il m'appelle.

Je ne suis pas une petite salope. Je suis une statue de sel. J'attends la sentence. Là, derrière la porte, je sais que le lit ou le divan m'attendent. Je le sais. J'y consens. Pas de gaïté de coeur, non, car il me prend avec violence, me hurle des mots crus, des mots qui me déchirent, des mots que j'accepte parce qu'il n'en a pas d'autres. Son coeur est étroit comme un pull qui a rétréci au lavage. C'est lamentable un pull qui a rétréci. Il est sans forme, sans joie, incapable d'habiller aucun corps vivant, vibrant...

Il vient vers moi. Deux ou trois pas lourds d'ivrogne. Il pue l'alcool et le désir mauvais. J'attends le choc qui me renversera sur le lit. Il me prendra avec violence, sans caresse, sans amour. Je le sais, j'y consens.

Je l'aime. Je suis folle, je suis prête à tout, même à l'esclavage, même à ouvrir les jambes sur ce lit sale et sentant le sperme et les humeurs de ses précédentes conquêtes.

Il vient vers moi. Je ferme les yeux. Je consens. A tout, à n'être rien qu'un corps à sa disposition. Il y a deux larmes dans mes yeux.

Soudain le portable vibre impérativement. Je lève les yeux. Va-t-il répondre? Oui.

Il dit: allo maman?
Mon prédateur a une maman...

Il dit: qu'y a -t-il maman? Ca va pas? Maman?
Mon prédateur s'inquiète, je l'entends...

Il dit: maman, ne bouge pas, je viens!
Mon prédateur au coeur étriqué, amputé, tronqué, s'alarme, s'énerve, hurle dans son portable. Il se lève, referme sa braguette, bondit, il va rejoindre sa mère. Il me dit en sortant, désignant le placard caché par une pile de vêtements sales: toi, tu restes là, et tu fais le ménage. A fond la caisse! T'entends?

Oui j'ai entendu: à fond la caisse.

Il est parti. Trop de crasses, trop de poussières dans ce taudis immonde. Trop de saletés dans ma vie de pauvre cloche. Je le tuerai ce salaud! Et je plaiderai non coupable...!

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Commentaires
G
J'aime errer dans les archives pour découvrir les gens ! Ce matin je me demandais ce qui se passait chez vous il y a deux ans ! Quel choc. Et pourtant, ce qui est relaté n'est-il pas plus courant qu'on ne le pense ?
K
Pour un regard d'amour....pour un regard qui ressemble un peu, de loin, parfois de très loin à de l'amour une femme qui n'a jamais été regardée est sans doute capable d'accepter le pire.
C
C'est exact, Reevolution...j'ai voulu faire passer ça: personne n'est tout blanc, personne n'est tout noir...<br /> Merci pour tes mots , je m'y sens comprise dans l'intention de ce texte...
R
Je comprends.<br /> Ton texte fait passer à merveille la manière dont on peut être piégé dans une situation qui peut paraître invraisemblable ou incompréhensible vue de l'extérieur.<br /> C'est une situation qui s'installe et perdure parce que, pour y survivre, il faut être éjectée de sa propre vie. Soit par la violence conjuguée à l'amour, soit par souci d'auto-protection.<br /> <br /> Ce qui est étonnant dans ton texte, c'est le basculement du "salaud" vers l'enfant, le bon fils. Perturbant comme image.
C
merci pour vos commentaires, j'écris plus longuement en réponse dans ma note suivante
Coumarine, Petites paroles inutiles
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