Seuls les marins peuvent comprendre
Je suis allée voir l'exposition consacrée au peintre belge Léon Spilliaert. Je pense que d'autres Belges l'ont vue et admirée. (à Bruxelles, au musée de la rue de la Régence, à voir absolument si d'aventure vous passez par là)
J'ai beaucoup aimé l'atmosphère un peu étrange, un peu "nuageuse" et la plupart du temps maritime de ses peintures (il est originaire d'OSTENDE, à la mer du Nord si tourmentée parfois, balayée par les vents et les embruns) .
J'ai beaucoup moins aimé je l'avoue, ses auto portraits qui sont tous dans le quasi morbide. Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce peintre ne s'aimait pas trop, tout en passant un long temps à se peindre lui-même. Etrange paradoxe... (Aparté: Valclair, intéressant pour l'APA les auto portraits de Spilliaert...fin de l'aparté)
Pour la consigne 33 de Paroles PLurielles, j'ai proposé cette peinture-ci de Spilliaert que j'aime beaucoup. De plus je demandais de terminer le texte par:
"C'est décidé, elle vivra centenaire"
Presque trente participations jusqu'à présent, des textes parfois très très beaux, une grande richesse diversifiée (comme les imaginations sont variées!) des écritures parfois douces, parfois anguleuses selon la façon d'aborder le thème
Ici et là, vous avez l'occasion de lire les textes des participants, au gré des blogs que vous visitez: j'avoue que cela me fait un grand plaisir
Voici le mien aussi:
Seuls les marins peuvent comprendre
Elle se cogne tous les jours au silence...
Là-bas se blesse la mer écartelée à petits coups têtus sur les rochers cruels. Elle est là, immobile et statufiée. Ses tempes lui hurlent des cris répétés et lancinants.
Là-bas dans la mer couronnée d'écume sauvage, ondule un serpent noir qui gémit et se défend en soubresauts géants. Et le fracas de sa colère ronfle et se répercute dans ses entrailles brisées. Elle halète, perd son souffle.
Là-bas la mer qui gémit lance vers le ciel son chant d'adieu rauque, que seuls les marins peuvent comprendre. Elle s'est réfugiée tout en haut de son délire.
Le ressac obstiné vibre dans son ventre effrayé. Elle vomit en s'accrochant aux marches de sa vie.
Là haut paisibles et nobles, les étoiles veillent sur son désespoir, et leur voyage dans le ciel d'encre est scandé par les odeurs d'iode et de brume. Elle les touche doucement une à une et devient sirène.
Là-bas la mer s'endort, blottie dans ses eaux à présent tendres et enjôleuses. Elle se lave l'âme, elle s'apaise. Elle se donne le droit de dormir. Elle se sait veillée par l'œil de la tendresse.
Là-bas se lève soudain le silence mystérieux surgi du brouillard de l'au-delà. Elle sort doucement de son rêve meurtrier. C'est décidé, elle vivra centenaire...
Je ne sais pas si je dois signer ce texte Coumarine ou Kaila...les deux sans doute.