Ecrire le Moi (suite)
Quelques réflexions encore suite au séminaire à Toulouse dont j'ai parlé dans ma note précédente
Il y a toujours de soi dans une écriture fictionnelle.
Il y a toujours de la fiction dans l’écriture de soi.
Je crois en effet que c’est très vrai
J’ai souvent fait remarquer que je prends l’inspiration où elle m’est donnée : dans mes souvenirs, les événements vécus, entendus, les gens rencontrés, les livres, les films, bref tout ce qui, d’une manière ou d’une autre me touche et m’interpelle .
Dans mes fictions, il y a du "moi" en veux tu en voilà, mais bien caché, même souvent à mes propres yeux. Et c’est le cas pour tous ceux qui écrivent. L’inspiration s’appuie sur du vécu, et personne ne peut dire qu’il invente quelque chose de rien. "C'est quand je ne parle pas de moi que je parle le plus de moi" a dit Michel Cazenave
L’autre affirmation est vraie aussi, bien sûr.
Le moi dans sa dimension de mémoire est menteur. Le cerveau traite l’événement, le filtre, ne raconte pas le souvenir d’une réalité objective, mais bien la façon dont on a vécu ou traité cette réalité.
Au moment où on en parle, où on écrit, il y a un nouveau traitement…le monde du moi est donc sans arrêt reconstruit.
Prenons par exemple un bateau dont on remplace planche après planche…s’agit-il toujours du même bateau quand tous ses éléments constitutifs ont été remplacés ?
Quel est le critère qui constitue le bateau ? Les éléments qui le constituent, la forme sous lequel il apparaît ou son trajet à travers le temps ?
Ce qui compte n'est pas tant de rendre fidèlement et dans une recherche pointilleuse d'objectivité, des souvenirs du passé, que le ressenti authentique d'aujourd'hui d'un événement vécu autrefois
L'accent de vérité, de sincérité ne trompe pas. La réalité n'existe pas comme telle, elle se fractionne dans le conscient et l'inconscient de tous ceux qui la vivent...C'est cela d'ailleurs qui fait la richesse des échanges humains, même si tout cela ne facilite pas nécessairement la communication
Nous n'avons pas eu les mêmes parents, me dis-je souvent quand mes frères et moi comparons nos souvenirs d'enfance. Étonnant n'est-il pas? Et qui a raison quand il ou elle soutient autre chose qui se serait passé? Personne. Ou chacun...dans son for intérieur, dans son espace de sincérité.