S comme...Soeur de pacotille
Elle était mon amie...elle était la soeur que je n'avais pas...allez, j'ose le dire, elle était comme une soeur jumelle pour moi...
D'ailleurs on se ressemblait, d'ailleurs on avait le même type de famille, d'ailleurs on se disait tout, d'ailleurs on était dans la même classe, d'ailleurs on habitait le même quartier, d'ailleurs tous les soirs après l'école on revenait ensemble et on parlait, on parlait...d'ailleurs on s'aimait...
A 18 ans, elle la scientifique, moi la littéraire, on a pris d'autres chemins, mais on est restées amies, on se voyait à d'autres moments, pas compliqué!
A 20 ans elle a eu malheurs sur malheurs, qu'elle me racontait avec des larmes et un courage étonnant, j'étais là intimidée à ses côtés, je l'écoutais, je la voyais prendre son envol dans les souffrances les plus terribles, moi, je restais à terre, anéantie, ne sachant que faire pour lui être proche et présente.
Parce que je l'aimais, normal c'était ma meilleure amie, comme ma soeur, comme ma jumelle.
Un jour que je parlais d'elle à un ancien professeur, m'apitoyant sur sa vie à la fois si difficile et si courageuse, ce professeur m'a regardée d'une drôle de façon: quelque chose clochait, mais quoi?
C'est ce jour-là que j'ai appris que mon amie, ma soeur mon double, était mythomane, que sa souffrance était celle-là: s'inventer des histoires dramatiques dans l'espoir éperdu de se faire aimer, entourer, aider...
Elle n'avait pas besoin de cela, je l'aimais comme ça, toute simple, toute comme elle était...pourquoi elle ne se faisait pas confiance? Pourquoi elle ne croyait pas qu'on pouvait l'aimer comme elle était? C'était une sorte de désespoir venu de très loin de son histoire, dont je n'ai pris conscience que bien plus tard, quand j'ai su davantage par mes lectures, par mes rencontres, comment se sillonnaient des destins difficiles.
Mais moi, à ce moment là, je n'ai pas été capable de voir sa souffrance à elle, je n'ai vu que la mienne; celle à qui j'avais donné toute ma confiance était en fait une autre, une menteuse, une fabulatrice. A ce moment-là, je l'ai jugée, rejetée, je n'ai pas compris qu'elle n'était que malade et qu'elle en souffrait.
Toute notre amitié s'est écroulée en un instant et définitivement. Paf! Par terre, lamentablement, piteusement...
Tous mes repères disparaissaient: en qui désormais faire confiance? Je croyais la connaître, et je m'étais cruellement trompée, celle que j'aimais comme une soeur, était en fait une autre, quelqu'un que je ne pouvais pas aimer...
Cela a été un tel effondrement dans ma vie que je me suis tenue pendant longtemps à distance de toute nouvelle amitié
Il n'y a pas si longtemps on s'est revues...elle a bien sûr évolué, a fait tout un travail sur elle-même, moi aussi, on a compris toutes les deux bien des choses. Elle m'a raconté sa maladie, comment elle s'en est sortie. On s'est expliquées longuement. On a pu se parler en clarté, s'expliquer, et je le crois, on a pu se comprendre...
Mais c'est tout, même si c'est beaucoup...il n'y a plus d'amitié possible entre nous.
édité le 9 mai: j'ai eu envie d'ecrire cette note, suite à celle de Ségolène sur l'amitié féminine, qui m'avait fort interpelée