A comme Abandon
Je commence aujourd'hui un dictionnaire un peu particulier...que je découvirai au fur et à mesure qu'il s'écrira, je n'ai pas fait de plans sur la comète
A comme abandon
Si on me demandait quelle est ma peur la plus forte, je répondrais que c'est la peur d'être abandonnée....
Oui, j'ai beau être une adulte, mère à mon tour, je reconnais humblement qu'une de mes plus grandes peurs est tournée vers moi-même.
Bien sûr, j'ai peur qu'il arrive quelque chose à mes enfants, que l'un ou l'autre soit victime de la maladie ou de l'accident. Tout cela est réel. Mais la peur d'être abandonnée est ancrée en moi comme une griffure douloureuse, comme un tatouage indélébile. C’est une peur "irraisonnable", donc qui ne se laisse pas vraiment appréhender par les bons arguments. Cette peur macère depuis tant de temps dans mon ventre que ma tête qui raisonne a (trop) peu de prise sur elle…
J’ai dit que je n’avais pas ou peu de souvenirs liés à mon enfance.
Si pourtant j’en ai un, c’est je crois mon plus ancien souvenir
Et il est lié à un sentiment d'abandon.
J'ai 3 ans, et j'ai des crises d'asthme, sévères paraît-il, de cela je ne me souviens plus.
Alors mes parents décident de m'envoyer à la campagne chez de vagues connaissances. Il me faut le grand air, j’en ai grand besoin : c'est ce qu'a décrété le médecin de famille.
Oui, à ce moment là on ne se posait pas la question de savoir pourquoi un enfant pouvait bien s’étouffer dans des crises aiguës. Cette enfant a de l’asthme, point ! Il lui faut le grand air, ça paraît évident…donc va pour le grand air ! (grand taire…taire encore un peu plus…)
Bien sûr, on ne me demande pas mon avis. Les petites filles de trois ans n'ont pas à donner leur avis. On décide au dessus de leur tête. De toutes façons, c’est pour mon bien.
On ne m’explique donc rien (Dolto n’est pas encore passée par là), et puis maman n’est pas du genre à se poser beaucoup de questions, elle est plutôt du genre à éviter les problèmes et je suis un vrai problème, donc on me dépose chez les amis, et on part…en catimini
Je vois encore comme si c’était hier la voiture qui s’éloigne…je vois encore les mains de mes frères qui s’agitent à l’arrière...je vois une petite fille de trois ans qui court derrière cette foutue voiture qui ne l’attend pas, qui ne se rend pas compte qu’on l’oublie…
Que croyez-vous qu'il se passe dans la petite tête d'une petite fille de trois ans quand on la laisse sans explication chez des gens qu'elle ne connaît ni d'Eve ni d'Adam?
Elle se dit: j'ai été méchante, tellement méchante qu'on ne veut plus de moi. Alors on m'a conduite ici et je ne reverrai plus jamais ma famille.
Je vois encore la petite fille qui pleure sans larmes dans son lit trop grand, toute seule dans cette chambre inconnue, avec ....non, son doudou elle l'a oublié, ou plutôt, elle ne l'a pas pris avec elle ...elle ne savait pas qu'elle dormirait dans cette chambre inconnue, et sa maman s'est bien gardée de le lui dire. Que voulez-vous, elle ne voulait pas d'ennuis, de crises de larmes et ce genre de choses. Surtout pas de problèmes…surtout pas hein…sois sage hein ma fille, fais pas des manières, c’est pour ton bien hein ma fille…
La petite fille est restée six mois dans cette maison, elle a occulté ses souvenirs.
Tiens je pense à quelque chose. Je n’ai jamais su si maman avait eu du chagrin de « m’abandonner » aux mains de ces amis…je n’ai jamais pensé le lui demander…
Peut-être que oui après tout…qui sait…