Une question de madeleine, je crois
"On" (coucou toi!) m'a parlé de Jean-Louis Fournier, auteur que je ne connaissais pas.
"On" m'a donné envie de le lire...(merci toi...)
J'ai donc emprunté à la bib de mon quartier deux livres de cet auteur (j'ai eu de la chance de les y trouver)
L'un deux "Il n'a jamais tué personne mon papa" raconte des souvenirs de son enfance, autour de son père, médecin, alcoolique, mort à 43 ans.
Chaque page épingle un souvenir différent, vu du point de vue d'un petit garçon de 8-10 ans, vif, malin, et cependant naïf comme tous les enfants de cet âge. Un petit garçon qui aimait son père. Beaucoup. Fort. Et qui aurait voulu être aimé de lui.
Mais ce père n'avait pas le temps de l'aimer: il était d'abord médecin, ensuite alcoolique et ensuite il passait pas mal de temps avec ses copains dans les cafés de Arras.
Plus beaucoup de place pour sa femme et pour les quatre enfants, et pour le petit Jean-Louis, le plus "difficile", le moins aimé...son père lui manque.
J'ai dévoré ce livre en deux heures de temps, la gorge serrée.
Gorge serrée sur la détresse de cet enfant, qui s'exprime pourtant dans des phrases qui m'ont fait rire
(c'est tout un art ça: émouvoir par le rire, parler de choses graves en faisant rire, sans qu'on n'oublie une seule minute que le sujet est grave...)
Où l'auteur va-t-il chercher tous ses souvenirs? Ils sont là en abondance semble-t-il, vivants, colorés, rigolos, émouvants, à portée de coeur. On dirait qu'il n'a qu'à les cueillir et les habiller de mots très simples, très vrais, remplis d'humour. et d'émotions...
Ce ne sont pas simplement des souvenirs bien racontés, qui font jaillir deux-trois larmes au coin de la nostalgie...non! c'est bien plus que cela, c'est bien autre chose...ces souvenirs, ce sont des perles cachées profond dans un trésor d' humanité...des perles brillantes de lumière, des joyaux de cristal même s'ils évoquent des faits tristes ou même tragiques...
J'ai déjà parlé ici de mon enfance comme amputée de souvenirs. Je me souviens de si peu de choses. Tout m'échappe, fuit, s'effiloche, tout est confondu dans la même grisaille. Je suis bien en peine de raconter quelque chose de précis, quelque chose de vivant, quelque chose de coloré, quelque chose qui ressemble à un souvenir. Comme si j'avais tout oublié.
Je me souviens juste d'une atmosphère générale, une atmosphère terne et pluvieuse.
Quand je pense à mon enfance, il n'y a ni senteurs, ni couleurs, ni parfums, ni sensations. Il y a juste un écran gris, ai-je seulement été enfant?
Je crois que j'ai tout occulté, c'était plus facile pour me mettre à vivre quand j'ai quitté l'enfance
J'ai commencé à vivre quand je me suis mariée...timidement parce que je ne savais pas trop bien comment m'y prendre
Je sais aujourd'hui que à 20 ans et pendant longtemps encore, j'ai été une "ALBINOS", dépigmentée de souvenirs, de sensations diverses reçues du monde de l'enfance
Mon imaginaire fait de mille et une sensations, j'ai dû l'inventer de rien ou de tout, pas à pas, en puisant non pas dans mes souvenirs d'autrefois, mais dans mes regards observateurs sur mon monde d'adulte
La madeleine de Proust n'a jamais fonctionné chez moi
Je vais entamer une formation aux récits de vie (pour animer des ateliers de récits autobiographiques)...il paraît qu'en se mettant à écrire un tout petit quelque chose d'un début de souvenir minuscule, le reste se met à suivre, à se raviver, à couler comme une pelote de laine qui se dévide...
Je suis curieuse de voir si c'est vrai...