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Coumarine, Petites paroles inutiles
18 juillet 2005

A l'envers la vie...

A l'envers en effet...

Arcadia vogue bien souvent à contre courant des idées toutes faites qu'elle décompose, des idées reçues qu'elle ne reçoit pas. Voici la photo que je lui avais soumise:

198

Je lui ai aussi donné deux phrases:

"Ce jour-là, j'ai perdu la mémoire"

"Cela devait bien arriver un jour, dit-elle en souriant"

Merci Arcadia pour ce texte qui me parle fort... et bienvenue chez moi...

ANDRE

Il est parti un beau matin. Mains dans les poches, l'air de rien. Parti...faire trois petits tours..et puis..
Et puis la route là devant, tant de chemins, tant de « si » en suspens. Prendre à gauche par le sous-bois ? Tourner à droite à travers champs ? Suivre la ligne blanche ?

Toute sa vie, il avait suivi la ligne. Celle des anciens, de la lignée...Etre digne d'eux. Ligne, lignée, droit, même les mots s'alliaient entre eux pour le lui rappeller.  Reprendre le flambeau...continuer la généalogie du précis, du prévu..Une vie de calque. Millimétrée. Soigneusement tracée, bien avant sa conception.
Il sera ...

Et il fut.

Il fut enfant modèle. Suivant à la lettre l'ordre des choses. Les stades à passer. Ni trop vite, ni trop lentement. Rester dans la moyenne. Dans ce qui rassure. Ne pas dévier. Toute initiative personnelle étant proscrite puisque de toute façon...ils avaient déjà tout prévu. Depuis la marque de ses couches culottes, les premières écoles, ses amis...même la femme qui le ferait homme était choisie.
Il lui suffisait de se laisser faire.

Jours et nuits se succédaient, mollement. Au rythme des saisons, ses tempes grisonnaient. Voici bien longtemps qu'André avait cessé de rêver. D'ailleurs..avait-il su rêver un jour ?
Chaque soir, il fermait la boutique, vérifiait trois fois l'alarme, les lumières, poussait un gros soupir, et rentrait. Chez lui. Puisqu'il faut bien appeler les choses par leur nom. Oh il n'était pas malheureux..sa famille ne manquait de rien de matériel. La maison était confortable. Il était respecté dans le village. Il n'était pas malheureux. Mais pas heureux non plus.

Ca s'apprend le bonheur ? Se demandait-il parfois..comment le reconnaître ?

Seule une vieille femme dénotait de la grisaille quotidienne. De sa vie. Ersatz de couleur, détail incongru dans un paysage monochrome. André la connaissait depuis..il n'aurait su dire depuis quand exactement. Ils n'avaient jamais échangé une parole en 60 années. Pourtant, étrangement, un lien curieux les liait. Une même tristesse dans le regard...mais pas seulement. Car la vieille femme, lorsqu'elle regardait André..on aurait dit..qu'elle pouvoir voir..à travers. Bien plus loin que lui, elle savait.
Oui, mais quoi ?

Ce matin là, comme chaque matin, André ouvrit les yeux. Deux secondes avant la sonnerie du réveil. Il se leva, fit ses ablutions matinales, choisit un pantalon, un tee-shirt, laça une paire de baskets. Et sortit.
Tous ceux qui le croisèrent lui trouvèrent un air ...indéfinissable. Monsieur Carmel le boulanger le servit avec sa bonne humeur coutumière, et quand il marqua son étonnement de voir André acheter une religieuse au café à 6h31 du matin. André lui fit cette réponse :

- ce jour là, j'ai perdu la mémoire.

Monsieur Carmel interloqué ne répondit rien, et resta à regarder André, engloutir d'un seul tenant la religieuse, observant le fondant couler sur le menton de l'homme le plus prévisible du village.

La dernière personne à avoir vu André fut cette vieille femme..

- Cà devait bien arriver un jour, dit elle en souriant.

ARCADIA

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Commentaires
A
C'est très joli..dès fois j'aimerai bien perdre la mémoire.
A
Je voulais laisser un petit mot, pour vous remercier tous, pour coumarine parce qu'elle m'a si gentiment invitée, pour les silencieux aussi, qui ont navigué sans bruit d'un lieu à l'autre..<br /> <br /> merci :)
C
Bonjour à Rainette, Epsilon et mouette rieuse, que je ne connais pas encore...bienvenue chez moi<br /> <br /> Nathan, Praline et Chris je vous embrasse, merci pour votre passage
P
Emue...touchée...<br /> La plume d'Arcadia, c'est toujours comme ça...
E
en silence...
Coumarine, Petites paroles inutiles
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