Toucher la (les) voix...
C'est fascinant...
Assise là derrière l'écran de mon ordinateur encore muet, plat, noir.
Je lève les yeux vers le velux au dessus de moi, qui m'ouvre un coin de ciel, de vent s'il y a du vent, de pluie s'il pleut, de rêve peut-être
Je décroche le téléphone qui s'impatiente...puis une voix, réelle, chaude ou pointue, tendre ou indifférente, peu importe, mais vraie, réelle, tangible, que je peux toucher du bout de ma voix à moi, pour tempérer des propos, apporter le moeilleux d'un sourire, d'une parole qui console, qui apaise, qui s'impatiente, qui s'enthousiasme. Une vraie voix, qui dit de vraies paroles
Puis j'ouvre l'ordinateur...l'écran s'allume et me plonge d'un seul coup dans un monde tout autre, magique, par ses possibiltés multiples, si incroyables de contact par dela les mers, par dela les différences, au dela de toutes les frontières, par dela les langues
mais un monde parfois si froid, si dur, si tranché, si carré, si hautement technologique
Toi mon ami, toi mon amie, toi mon interlocuteur d'un jour ou celui d'une longue complicité...je peux te parler...mais tu n'entendras pas ma voix, comment sauras-tu que ma voix s'est habillée de tendresse pour te dire ces quelques mots qui te parviennent, de compassion pour te consoler, comment sauras-tu comprendre la différence entre ironie méchante, blessante, et taquinerie ou maladresse
Et toi ami ou amie...Tu peux me parler, mais je n'entendrai pas davantage ta voix, je ne percevrai pas bien les hocquets de tes larmes ou la stridence ensoleillée de ton rire, parce que l'écran ne s'encombre pas de ses détails.Il s'en fout de ton rire ou de tes larmes
Juste ces idiots d'emoticons qui viennent lamentablement au secours d'une communication handicapée, tronquée
J'ai besoin de VOIR l'autre j'ai besoin de le TOUCHER, besoin de le RESPIRER, de l'ENTENDRE...je fonctionne dans tous les sens.
L'écran m'ampute de mes élans, comme un bonzaï dont on tempère la fougue, dont on cisaille l'enthousiasme
Les mots seuls sur un écran muet souffrent parfois d'être si impuissants