c'est nul, madame...
Je reviens de trois jours d'animation
Deux jours avec des adultes que j'ai menés vers l'écriture d'une nouvelle
Un jour avec des enfants auxquels on m'avait confié la difficile tâche de leur faire découvrir le bonheur de l'écriture...
Avec les adultes, je me sens à l'aise, dans mon élément, heureuse en fin de compte. Je me donne tout entière, dans l'écoute, l'accompagnement de ce qu'il y a de meilleur chez eux. Je donne des consignes qui parfois paraissent bien "sévères". Mais ce qui pourrait sembler restrictif libère au contraire leur imaginaire, leur créativité, chacun dans son créneau: certains écrivent poétique, d'autres dans le registre fantastique, d'autres encore dans le réalisme léger ou dramatique. Autant de personnes, autant de textes bien différents sur base pourtant des mêmes consignes, c'est étonnant, et pour moi, toujours source d'émerveillement..
Avec les enfants, c'est plus difficile...habitués au système scolaire, classique, bien cadré, il leur est difficile de comprendre que je les incite à sortir des sentiers battus, à plonger dans un non sens porteur de plus de sens, à oser partir dans le rêve, le farfelu, dans les mots qui disent bien plus que ce qu'ils sont sensés dire...(bon je me comprends)...et puis hélas, très vite, je perçois dans un mot, une parole, une réaction anodine du moins à première vue, une détresse, un mal de vivre, un chagrin et surtout et surtout, omniprésent déjà à cet âge,
un très grand manque de confiance en soi, énorme, douloureux à
force d"être à ce point martelé par ces mots dix fois répétés:
- je ne sais pas madame...
- c'est nul madame...
Ils sont aussi doués que nous les adultes pour dire sans cesse leurs doutes au sujet de ce qu'ils font, et de ce qu'ils sont
Et puis, si jeunes déjà, certains de ces enfants vivent de véritables drames, une petite soeur morte il y a deux mois d'une leucémie foudroyante, des parents en train de divorcer...les malheurs ordinaires ...très ordinaires, qu'on aimerait tellement épargner à ces enfants encore si jeunes, qui ne devraient QUE s'émerveiller deavnt la vie
Je suis rentrée lessivée, sur les genoux de cette journée par ailleurs enrichissante pour moi. Comme toujours, je vais pour apporter quelque chose, et je le fais de tout mon coeur, et c'est moi qui reçois ...
Je reçois l'infinie richesse d'un contact fort,au plus profond de l'humain
Quand on se met à jouer avec les mots, il n'y a plus de faux semblants, plus de faux fuyants, on va à l'essentiel...
Et si le jeu devient grave, ou même douloureux, on ne s'y trompe pas, on sait, oui on sait, qu'on touche à l'essentiel, de cet essentiel qui fait vivre
Les enfants ne s'y sont pas trompés qui sont venus vers moi en me disant: c'était chouette, madame...